La première livraison de la filmographie neuchâteloise est un livre, richement illustré, qui veut donner un panorama du patrimoine filmographique du canton de la première moitié du XXe siècle. Du premier film, « La circulation à la rue Léopold-Robert avec la grande fontaine » tourné en 1901 à «A l’usine électrique. Construction du diesel » de 1949, pas moins de 199 notices décrivent des films selon une grille de lecture comprenant, dans le meilleur des cas, quatre points. Après des données techniques sur la pellicule, une description de la copie visionnée, souvent un découpage plan par plan, témoigne de son état et de son contenu, tandis qu’un bref commentaire de l’auteure explique la présence du titre dans la filmographie et apporte des compléments historiques sur le contexte de production. Enfin, lorsqu’il y a lieu, la notice est complétée par une bibliographie et des références à des sites internet.

Une préface, signée Roland Cosandey (pp. 9-15), offre un éclairage sur le travail d’Aude Joseph remis dans le contexte de la recherche en Suisse et annonce les nombreuses pistes qu’un tel travail ouvre. Car, tel quel, le travail d’Aude Joseph n’est que le point de départ d’une recherche qui reste à écrire. S’il apparaît que le cinéma neuchâtelois est essentiellement fonctionnel, constitué de publicités industrielles, de vues touristiques, de sujets d’actualités pour nourrir le Cinéjournal suisse, il projette une image du canton qui mérite d’être étudiée pour elle-même et par rapport aux autres régions de Suisse. Dans cette perspective de recherches, la forme du livre n’est pas pratique. Les index qui le closent sont obscurs à souhait et difficiles d’usage. A l’heure d’internet, il aurait été souhaitable de pouvoir accéder, parallèlement à la publication sur papier, à un fichier en ligne, qui aurait permis d’effectuer des recherches systématiques.

Quant aux 199 titres retenus, ils laissent parfois songeurs. Alors que, dans la filmographie vaudoise établie en 1996 (1), les critères clairement énoncés étaient l’origine du cinéaste, le siège de la maison de production, le lieu où se déroule l’action du film et le public auquel s’adresse le film, ici, le lecteur nage dans le flou. Que le DAV ait demandé au National Film and Television Archive de Londres une copie de [Capitain Deasy’s daring drive], 1903, est certes son droit le plus strict, car la voiture engagée dans l’ascension de la ligne reliant Caux aux Rochers-de-Naye est une Martini, produite à Saint-Blaise. Mais est-ce pour autant nécessaire de considérer le film de la Mutoscope comme une production neuchâteloise ? C’est toute l’ambiguïté de cette filmographie qui semble servir à la fois de catalogue des possessions du DAV et de liste de la production cantonale.

Reste que le travail d’Aude Joseph est un jalon utile dans la mise en valeur du patrimoine filmique régional et suisse. Il permet surtout de fixer, à une date précise, l’essentiel des connaissances dans le domaine de la recherche en cinéma et de laisser une trace d’un état donné des copies conservées au DAV. En ce sens, la publication des découpages plan par plan est une excellente chose.

Neuchâtel. Un canton en images 1910-1950, Le cinéma des régions vol. 2, dvd, Collection cinémathèque suisse, Lausanne, 2009, 2 h 46.
La sortie du dvd édité par la Cinémathèque suisse, avec un livret rédigé par Aude Joseph et Roland Cosandey, complète la filmographie citée précédemment. Une trentaine de films sont présentés, répartis en cinq chapitres : «Evènements», «Terroirs », «L’écran publicitaire », «Au miroir des amateurs », et « Ciné-journal suisse ». Contrairement à Neuchâtel – Mémoire du cinéma, de 1995, les films sont, cette fois, proposés en intégralité, pour le plus grand bonheur des chercheurs.
Les films présentés visent à donner une idée de la production locale. Au-delà du choix empirique, dicté par l’état de conservation des copies et leur longueur, le dvd vaut surtout par la présence d’une curiosité, Attività dei Fasci femminili e Dopolavoro in Italia, a pro d’una industria domestica, sans doute daté de 1930. De ce film, vantant la machine à tricoter Dubied et le régime de Mussolini, on ne sait pratiquement rien, sinon qu’il fait partie des bagages déposés par l’administrateur de Dubied en 1984. Si l’on peut discuter à nouveau de la pertinence de la présence d’un tel titre dans la filmographie neuchâteloise, on peut saluer par contre sa mise à disposition d’un large public.
Notons finalement la finesse et la discrétion, une qualité en l’occurrence, de l’accompagnement musical composé pour l’occasion et interprété par André Desponds.

1) « Limite non-frontière : aspect du cinéma dans le canton de Vaud», Revue historique vaudoise, 1996, p. 195 et suivantes.

Citation:
Natacha Aubert: Compte rendu de: Aude Joseph, Neuchâtel, un canton en images. Filmographie, tome 1 (1900-1950), Hauterive, Editions Gilles Attinger, 2008, 319 p. Première publication dans: Revue historique neuchâteloise, année 147-2, 2010, p. 151-152.